, Les coulisses du long-métrage espagnol ADU : Claude Balogoun nous dit TOUT.

Depuis le 31 janvier 2020, les espagnols découvrent au cinéma le long-métrage ADU, production espagnole dont une partie a été tournée au Bénin. Durant les mois de repérages et de tournage dans notre pays, c’est la société de Claude Balogoun qui a joué le rôle de maison de production locale. Je l’ai rencontré et il m’a raconté les coulisses du film. Interview

Comment avez-vous entendu parler du film Adu ?

C’est Bella Agossou qui connait l’équipe de production du projet qu’on appelle Un mundo prohibido, en français un monde interdit et c’est elle qui a vraiment négocié, qui a bataillé avec les autres pays pour que le projet vienne au Bénin. C’est ce projet qui, après le montage, est devenu ADU. Elle m’a informé un jour de ce qu’elle a un projet avec les espagnols et que le Bénin était en concurrence avec d’autres pays tels que le Cameroun et le Sénégal et que, si ces espagnols trouvaient de bons partenaires au Bénin, ils allaient faire ce film chez nous. Moi je fais du cinéma depuis un moment  et mon rêve a toujours été de quitter les vidéos, les téléfilms béninois et de contribuer aux productions qui permettront au nom Bénin de s’afficher un jour. D’autres producteurs ont également été contactés, je crois qu’on était 6 maisons de production et, finalement, c’est mon dossier qui a été retenu. 

Comment avez-vous convaincu les Espagnols de travailler avec vous ?

Ils ont demandé certains matériels que nous n’avions pas au Bénin, j’ai mis près d’une semaine à fouiller chez les meilleures personnes qui ont du matériel tel que l’ISMA, Laha production, Plurielle production et d’autres. Par la suite, j’ai fait un point pour voir si on allait assurer si on mettait tous nos matériels ensemble mais la vérité est qu’on ne pouvait pas. Et donc, vu que je collabore avec des maisons de production au Nigeria,  je me suis rendu dans ce pays chez mes partenaires. J’ai donc eu le matériel là-bas. J’ai fait des photos et j’ai monté le dossier, c’était un dossier assez imagé qui leur montrait qu’on avait le matériel demandé. Après cela, il y a une partie de l’équipe de production qui est venue au Bénin afin de nous rencontrer avant de faire leur choix. Au lieu de les rencontrer seul, j’ai formé une équipe avec des techniciens qui ne sont pas de ma boite, j’ai choisi des gens qui ont l’habitude de travailler sur des productions internationales et le jour de mon rendez-vous, j’ai convoqué tous ceux-là. Au lieu de me rencontrer tout seul en tant que producteur, cette équipe a plutôt rencontré l’équipe béninoise dans les différents postes. Les échanges ont été faciles. Tout le monde n’a pas été retenu pour la production mais ils ont eu des techniciens à tous les postes.

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Photo de tournage du film ADU dans une rue du Benin

Quel a été l’apport de votre boite sur cette production ?

La boite a d’abord apporté sa crédibilité, étant une structure expérimentée et en règle vis-à-vis de l’Etat béninois. On a apporté ensuite un cadre, des bureaux pour les Espagnols, on a mis à disposition notre carnet d’adresses, notre réseau. Par exemple, quand on a besoin d’un camion, à la minute près on peut appeler quelqu’un. On a également apporté notre connaissance du terrain béninois surtout au niveau du décor et notre expérience. Aussi, les comédiens et techniciens ont travaillé sur un mois avant d’être payés. On a donc  installé un climat de confiance. On a également préfinancé certaines choses, on a également mis à leur disposition des équipes de ma boite Gangan production pour de petits postes. Le matériel roulant à la disposition de l’équipe venait aussi de nous.

Racontez-nous les conditions de tournage

L’ambiance était bon enfant.  De manière générale, les Espagnols sont des gens qui se méfient de ceux qu‘ils ne connaissent pas, c’est mon analyse personnelle. Cette méfiance était chez les 70 espagnols qui sont arrivés de sorte que dans la session maquillage, le premier jour a failli ne pas bien se dérouler. La maquilleuse espagnole se disait que l’assistante qu’on lui a trouvé ne connaissait pas le travail, ne maitrisait pas les outils et cela a fâché les Béninoises. Je leur ai donc parlé et leur ai expliqué qu’elles n’étaient pas en concurrence, mais pour se connaitre et apprendre l’une de l’autre. Ça a marché, elles sont devenues bonnes amies et même pour certains trucages, l‘Espagnole cherchait à comprendre comment Nicole Dadjo(la maquilleuse béninoise NDLR)  le fait. C’était pareil dans toutes les sessions. Et, quand l’ambiance passe dans une session, ils gardent le technicien jusqu’à la fin. Mais quand ça ne passe pas, ils renvoient. Ce fut le cas du doyen Grégoire Noudehou (paix à son âme) qui n’a pas terminé l’aventure. Grégoire a toujours été patron à son poste, donc quand il arrive sur un plateau il doit assister une personne qui est femme, courte et aussi petite que toi Cornélia, il n’est pas forcément à l’aise, il n’a pas pu faire le détachement. De plus, la voix de Grégoire est rauque donc quand il parle, la dame pense qu’il crie. Grégoire ne parle pas espagnol, la dame ne parle pas français donc on  a pris un étudiant pour faire la traduction qui n’a pas su jouer de diplomatie. Si Grégoire rouspète, il traduit ce qu’il dit à la dame, et quand la dame parle il traduit à Grégoire. Ça a donc pété dans les deux camps. 

Aussi, les Espagnols étaient très rigoureux sur les jours et heures de travail et on ne paie que les jours les personnes ont travaillé. Des personnes se sont fait renvoyer pour absence à leur poste. A part ces petites coquilles, l’ambiance était très bonne. 

Une anecdote sur le plateau ?

Je vais en donner 2. La première qui m’a marqué, c’est ce soir quand j’ai failli me bagarrer avec la comptable de l’équipe espagnole parce que je ne comprenais pas vraiment comment elle comptait les journées de travail. Moi je comptais une semaine de travail à quelqu’un et elle a compté pour cette même personne une journée et demie. Donc elle a fractionné le salaire de la personne. Ça a apporté des tensions. Mais au finish, on devait faire le point ensemble donc on a été obligé de se comprendre.

L’autre chose qui m’a touché, c’est le producteur avec qui je parle rarement qui m’a fait un message à la fin. Il m’a envoyé un joli petit texte à 5 heures du matin. On était à Ganvié. Le texto disait : On vient de faire le dernier clap, Claude je te remercie et je remercie toute l’équipe de gangan ». Cela a scellé la confiance entre lui et moi.

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Photo de tournage du film ADU au Bénin

Après cette aventure teintée de malcompréhension et de frustrations chez certains, pensez-vous qu’après  Adu nous aurons d’autres grosses productions au Bénin ?

Il n’y a pas de raison qu’on en ait pas. Ils ont fabriqué assez de choses comme des échafaudages et autres pour ce tournage. S’il n’y en avait pas d’autres en vue, ils n’allaient pas en fabriquer autant et surtout laisser ça ici. On a reçu une équipe de la télévision nationale espagnole sur le tournage et la directrice m’a demandé si nous étions prêts à accueillir au Bénin d’autres productions. J’ai répondu oui. Elle dit alors de considérer ADU comme un test parce que nous en auront beaucoup. Autre argument, au Bénin on n’est pas cher contrairement aux autres pays tels que le Sénégal et le Cameroun. Puis, le montage du film s’est vite achevé parce qu’il n’y a pas eu de tournage rattrapage et autres. Donc toutes les conditions sont bonnes pour qu’on ait d’autres plateaux et je fais confiance à notre ambassadrice Bella Agossou.

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Claude Balogoun, Producteur béninos*

 

 A propos de Claude Balogoun

C’est un artiste pluridisciplinaire. Il est d’abord homme de théâtre et du conte et a co-créé la troupe Wassangari. Il devient ensuite scénariste, réalisateur, producteur, il a été fixer pour plusieurs productions étrangères dont Thalassa, faut pas rêver etc…. Il a édité 3 livres, et réalise de nombreux clips vidéo. Il dirige la boite de production GANGAN Production depuis 2002. 

 

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