ITALEest un film fiction de Fleur Hèssou, une réalisatrice Béninoise. ITALE signifie « Identité ». C’est un titre inspiré d’une expression « Nago », une langue du Bénin. Un film qui s’inscrit dans un réalisme absolu. Il plonge les spectateurs dans l’histoire d’une famille recomposée. Une famille dont l’équilibre est bouleversé par l’injustice, l’indifférence, l’absence de vérité et la frustration.
ITALE conte la triste histoire de Sèna, une jeune adolescente de 21 ans. Une fille malmenée par son beau-père. Motivée par la colère et la soif de réponse, cette dernière s’engage avec détermination dans la recherche de son père biologique. Dans la quête de son identité, ce qu’elle découvre chamboule sa vie. Elle n’y était pas préparée.
Le film montre comment l’irresponsabilité des parents peut ôter à leur descendance la joie de vivre.
La réalisatrice nous présente un personnage principal psychologiquement malade de l’abandon de son père biologique. Dès les premières secondes le décor est bien planté. On voit un homme très gaie et très heureux de voir sa femme après le boulot mais qui répond avec une froideur poignante à la salutation de sa “fille” Sèna (Marianne Hinnouho), l’actrice principale du film. Directement on se demande : est-ce un père qui abuse sexuellement de sa fille ? Un père qui est juste fâché contre sa fille parce qu’elle aurait mal agi ? Ou il s’agit d’une enfant placée ? Puisque dans son regard on lit beaucoup de tristesse et de la frustration.
A travers la conversation avec sa mère Dotou (Carole Lokossou) qui lui dit « il y a une raison à toute chose » et la fille qui répond : « comme la raison pour laquelle tu ne veux pas que je connaisse mon père » on comprend aisément que Sèna (Mariane Hinnouho) n’est donc pas la fille de Azankpo (Barnabé Ayosso) mais plutôt sa belle-fille.
Lassée du mauvais traitement de son beau-père, du silence de sa mère qui ne veut pas qu’elle fasse la connaissance de son père et qui défend son mari, l’adolescente est convaincue qu’avec son père biologique tout aurait été différent. Elle se lance dans une recherche incertaine de son géniteur.
ITALE parle de …
Basé sur des faits réels, ITALE (Identité) attire l’attention du spectateur sur les hommes irresponsables. Sans juger, la réalisatrice dénonce aussi le comportement de ses jeunes filles qui pensent que tomber enceinte peut fidéliser un homme. Mais « on ne force pas l’amour » comme le dit si bien les artistes béninois Zeynab et Fanicko dans leur featuring.
La grande question que se pose Fleur Hèssou à travers ce film est : « jusqu’à quand les erreurs des parents affecteront et plongeront leur progéniture dans la quête d’identité sans fin » ?

Au-delà de la narration
Tout au long du film, le dialogue a scotché. Lorsque Azankpo (Barnabé Ayosso) demande à sa femme : « tu n’ouvres pas ton cadeau » ? Et elle lui répond : « pourtant c’est elle qui t’a demandé un ordinateur pour saisir son mémoire », il joue à l’amnésique et lance : « écoute, je suis très fatigué. Masse-moi déjà les pieds ». Cette conversation exprime clairement l’indifférence de cet homme par rapport à la souffrance de la jeune fille.
Dans la scène où Sèna se plaint parce que sa soutenance est proche et qu’elle n’a pas d’ordinateur pour rédiger son mémoire, on n’est choqué d’entendre sa mère dire : « Adébayor, il était là depuis le début. Il t’a nourri, il t’a vêtu, il t’a soigné, il t’a même instruit. Et c’est ça qu’on appelle un vrai père ». C’est une manière pour la réalisatrice de montrer avec justesse qu’être père ne se limite pas au fait d’offrir des biens matériels. Elle démontre que sans l’amour, l’attention et l’affection, tout l’or du monde n’a aucune valeur.
Dans ce film, on retrouve un décor modeste de qualité. Ce qui reflète aisément le niveau de vie des personnages.
La force de ce film se trouve dans son casting. A travers les expressions faciales, les acteurs communiquent d’une manière assez naturelle leurs émotions (joie, peur, frustration, surprise et déception).
La touche originale de cette œuvre cinématographique ce sont les costumes. Les acteurs sont vêtus de pagne ou de bazins. La réalisatrice assume sa culture et met en valeur les tenues traditionnelles de son pays le Bénin.
Sans nul doute, la beauté de ce film, c’est aussi la maîtrise de l’image. On reconnaît la qualité des images du cadreur Alain Nounagnon. Une qualité qu’il offre et qu’on a déjà vue à travers plusieurs films tels que OKUTA de Aymar Essé diffusé sur l’ortb et TV5. L’étalonnage des couleurs accroche également.
Par ailleurs, la musique du film n’apporte pas grand-chose à la narration, encore moins à la transmission des émotions. Un faux raccord se fait voir dans la scène où Sèna (Mariane Hinnouho) reçoit son cadeau. Quand elle déballe le présent que lui a offert son beau-père Azankpo (Barnabé Ayosso), le passage du deuxième au troisième plan n’a pas été bien raccordé, au moment où elle entend que son demi-frère a reçu un ordinateur pendant qu’elle regardait son tee-shirt.
Un film à voir absolument !
Le récit de ce court métrage édifie et interpelle la conscience de tous, mais surtout celle juvénile. Avec ses efforts conjugués, Sèna a-t-elle pu finalement retrouver son père ? Nous vous invitons à regarder le film pour le savoir.
Cette réalisation est très interpellateur. Elle crée le suspense à la fin de l’histoire avec une incertitude sur le sort de Sèna (Mariane Hinnnouho). Va-t-elle comprendre et accepter l’explication et les supplications de sa mère après qu’elle lui ait dit la vérité ? Pourra-t-elle lui pardonner 21 ans de souffrance ? Sa mère Dotou pourra-t-elle un jour permettre à son ex Adébayor (Julio Avahouin) de faire partir de la vie de sa fille ? Ce sont autant de questions qu’on peut se poser à la fin de ITALE.
Avec son premier court-métrage ITALE (Identité),la cinéaste (monteuse, maquilleuse, actrice) a remporté en 2019 le prix spécial canal + de la Meilleure Réalisatrice Féminine au Ciné 229 Awards. Cette production a été également sélectionnée au Fespaco 2021. Il a aussi reçu l’Amazone Tella Kpomahou, prix de la meilleure interprétation au FIFF 2021.
Bien réalisé, ITALE (Identité) est digne d’intérêt.
Ketsia ZINZINSOUHOU
Cet article a été rédigé dans le cadre de la seconde édition du Festival de Films de Femmes de Cotonou (8-12 février2022).

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