Huguette fait partie des perles du cinéma béninois. Assez discrète, on n’entend pas vraiment parler d’elle. Moi je l’ai découvert en discutant avec le producteur congolais Rufin Mbou Mikima. Il m’a dit : « le Bénin a de très belles personnes dans le cinéma. Je travaille d’ailleurs avec une chef costumière du Bénin pour le second long métrage de Françoise Ellong,  que je produis au Cameroun ». J’étais stupéfaite : une costumière béninoise ? difficile d’y croire. J’ai alors décidé de mener ma petite enquête sur cette dame et ce que j’ai découvert est juste époustouflant. Son CV est une merveille et elle s’impose, peu à peu, comme une figure importante du cinéma africain. Elle a été costumière sur L’œil du cyclone de Sékou Traoré (2015), Vindicte de Ange-regis Hounkpatin (2016), Walay de Berni Goldblat (2017), Cessez le feu de Emmanuel Courcol (2017), ou encore Kuntak de Françoise Ellong (2018),entre autres. Elle est actuellement au Bénin et j’ai sauté sur l’occasion pour la rencontrer, afin de vous faire découvrir le métier de costumière de cinéma.

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Rufin Mbou Mikima et Huguette Goudjo


Qu’ est ce qu’ une costumière de cinéma ?
C’est une technicienne du cinéma qui s’occupe, surtout au moment de la préparation du film, de gérer les costumes, de parler avec le réalisateur et de comprendre sa vision, dans le but de décider du costume qui ira à chaque acteur du film.
Je crois que costume, ici, signifie vêtement. Est-ce à dire que le costumier est un couturier ?
Oui. Quand on est costumier, on doit forcément avoir la base, le B-A BA de la couture. Moi je dessine parfois les croquis de ce que je veux, pour aider le styliste.
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Huguette costumière sur le film l’œil de cyclone avec l’acteur Burkinabé Rasmané Ouedraogo


Où as-tu appris ce métier ?
Sur le tas. Après mon bac, je suis entrée à l’université où j’ai commencé le secrétariat, mais je n’aimais pas ça. Je ne me voyais pas assise derrière un bureau. Et quand je suivais le journal avec ma mère les soirs, je lui disais : “tiens, cette journaliste est mal habillée” et ma mère me refoulait, genre « toi tu sais quoi des habits et du style ». Avec le temps, j’ai compris que je voulais évoluer dans un domaine ayant un lien avec les habits et j’ai fini par choisir le métier de costumière. J’ai reçu des cours en ligne de costumières françaises et c’est ainsi que je suis devenue costumière.
Te rappelles-Tu de ton premier film ?
C’était en 2008. Dix ans maintenant. C’était « Deuxième bureau » de Sanvi Panou. J’ai été sollicitée par un technicien de Laha Productions pour prendre le scénario. J’ai flippé parce que c’était mon baptême de feu et je n’avais que mes cours, appris dans des documents. Je n’avais ni coach ni mentor. Je me demandais si je serais à la hauteur. En fin de compte, j’ai réussi ce test et il n’y a eu aucune erreur de raccord. J’étais fière de moi. Après cela, le réalo m’a rappelée pour faire la série entière. J’ai été très chanceuse et cela m’a servi de publicité car, la série est diffusée sur certaines chaînes tv de certains pays sous-régionaux
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Huguette costumière sur le film béninois “le retour du roi” réalisé par Roger Nahum


Tu sais, je me promène souvent sur les plateaux des réalisateurs et je ne vois pas vraiment de costumière. Le métier te fait-il vivre ou chômes-tu souvent ?
(Rire) C’est vrai que ce métier est très saisonnier. Tu peux chômer pendant six mois avant d’avoir un nouveau contrat. Mais au Bénin, on ne travaille presque jamais parce que la qualité des œuvres n’impose pas, encore, la présence d’un costumier. Il y a beaucoup de postes qui ne sont pas sollicités sur les plateaux dont celui de costumier. Donc, on est obligé d’avoir des contacts à l’étranger et d’aller bosser sur les projets hors du Bénin.
Il est vrai que c’est ton gagne-pain mais, en toute honnêteté, ne penses-tu pas qu’on peut se passer de ce poste, surtout sur les petites productions ?
Cela est impossible si tu veux avoir un bon résultat. On dit souvent que les postes du cinéma sont complémentaires, donc quand un poste manque, on le ressent sur la version finale du film.
D’accord. Parlons cash à présent. Les costumiers gagnent-ils gros sur les plateaux ?
(Rire pendant un bon moment) Cela dépend de votre contrat. Mais sur une bonne production, le costumier peut être à 50 milles francs par jour et ça, c’est quand il veut bosser gratis, parce que c’est un travail épuisant. Maintenant, si le tournage est long, vous pouvez négocier sous forme de forfait et avoir 4-5 millions pour 30 jours. L’autre chose, c’est que sur les productions, on joue souvent le rôle de costumier et d’habilleur, qui est normalement un autre poste du cinéma. Cela fait que notre cachet est vraiment un forfait.
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Huguette a travaillé sur le film “Kuntak” de Françoise Ellong. Le film n’est pas encore sorti


Si un jeune a envie de suivre tes pas, que doit-il faire pour devenir costumier ?
Je le prends tout de suite avec moi. Au Bénin, je n’ai jamais vu une personne s’intéresser à ce métier. Je n’ai pas d’assistant donc je pourrai le prendre avec moi afin de partager mes connaissances avec lui. Je l’emmènerai sur mes plateaux, au Bénin ou à l’étranger, pour qu’il puisse s’exercer. Je recommanderais quand à ces jeunes, qui ont envie d’embrasser cette carrière, de voir des films, de faire attentions aux costumes et à tous les détails qui y figurent, selon le personnage, etc..
Huguette, c’est la fin de l’entretien que je te laisse conclure..
Merci Cornélia. Je vais simplement dire que j’aime mon métier, j’adore ce que je fais. Et je voudrais partager ceci avec toutes les personnes qui travaillent dans le cinéma : «  il faut être humble ». Quand on n’est pas humble, on n’est pas compatible avec le cinéma.
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Huguette et moi. On a passé un bel après-midi


Crédit photo: Huguette Goudjo

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