GONE AND NEVER BACK: Le voile de l’oppression

Réalisatrice et scénariste, l’autrice du film Ishtar et  Isis (2015)[1], Mai Moustafa Ekhou, n’aura peut-être jamais autant cumulé de tâches sur une production que sur Gone and never back ( Parti sans retour) en 2020. Ici, la jeune mauritanienne écrit, réalise, fait le montage et le son, produit[2] elle-même son court métrage dramatique. Sans penser à un problème de budget, on en déduit son engagement manifeste sur un sujet aussi sensible que le harcèlement des femmes.

On est dans le grande ville de Caire (Egypte) où la maison de la protagoniste (Sara Alaa Esmail) apparaît comme un lieu de sécurité tant sa peur d’affronter l’extérieur est évidente. Ce film dénonce la situation des femmes en proie à des agressions de tous genres pour des questions de mœurs et de religion à travers des plans aussi saisissants les uns que les autres.

Affiche Gone and never back

D’emblée, c’est dans un décor chaud légèrement teinté de bleu que la réalisatrice sert au spectateur, au moyen d’un plan fixe, un grand divan vide pour asseoir son attention tout en lui exprimant la solitude d’une femme modeste face à un monde bien trop grand et risqué. Des lors, sa peur de l’appel entrant sur son téléphone et le choix d’une sonnerie porteuse d’effroi affichent une métaphore de sa peur en rapport avec le monde extérieur qui l’appelle.

Dans un autre plan rapproché poitrine, fond noir, on la découvrira de profil, le regard absorbé par le monde en face qui lui annonce un jour de plus dans un quotidien d’affronts. La moitié de ce plan, est occupé par une fenêtre vitrée à travers laquelle elle regarde ce monde qui l’attend et peut-être se demande-t-elle, si elle rentrera en vie une fois le soir venu. En somme, nous avons l’héroïne d’un côté et le monde de l’autre comme deux adversaires sur un ring de bosse.

Pour un film qui ne durera que neuf minutes, la protagoniste occupera son miroir pendant près de trois minutes entre le boutonnage jusqu’au cou de sa robe, le port du voile noir (hijab) qui l’insupporte et ses mains qu’elle passe dans ses longs cheveux frisés. Cette durée est plus que significative et nous interpelle principalement sur une question de liberté à savoir le droit de disposer de son corps dans un milieu fortement influencé par des sensibilités religieuses.

Un fondu du noir coupera ensuite le film en deux. Et ça sera le moment pour elle de sortir de la maison. Dans cette deuxième partie, le choix d’une vidéo amateur juste après un gros plan sur son visage malheureux et apeuré, nous changera des plans fixes et nous fera partager enfin un aperçu – grâce ā une camera en mouvement – du monde extérieur vorace qu’elle craint.

Précédemment sélectionné au Festival maghrébin du Film Oujda (2020), Gone and never back, est aujourd’hui en sélection officielle au Festival International des Films de Femmes de Cotonou (FIFF Cotonou) – sans  doute – pour son rôle dénonciateur du harcèlement de la Femme musulmane.

En définitive, on a un film d’auteur dont l’absence de dialogue, est comblée par un bon jeu d’acteur quoique exagéré et une musique mélancolique qui le traverse d’épouvante du début à la fin.

Gaël T. HOUNKPATIN

Février 2022

Cet article a été rédigé dans le cadre de la formation des critiques de cinéma à l’occasion de la seconde édition du Festival de films de Femmes de Cotonou (8-12 février 2022).

Gael Hounkpatin, acteur, participant à la formation en critique de cinéma

[1] Prix du jury du Festival International du Film de Nouakchott 2014 ; mention au Festival International du film Arabe de Gabès 2016 , Prix de la première place au concours de courts métrages Arab Youth Creativity Festival – Le Caire 2019.

[2] Mai film production

0 réponses

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire