, CRITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE: KUMA LE BON PARRICIDE ?
Affiche officielle KUMA

Après ses films Les mains d’or de Samba (2015), L’école des otages (coréalisation, 2016) et Absence (2016), la réalisatrice, scénariste et productrice malienne Hawa Aliou N’DIAYE nous rapporte dans ‘‘KUMA !’’ ( PARLE !) que le silence n’est pas toujours d’or, le cinéma est une école, et que le viol, l’inceste et la pédophilie sont encore bien loin d’être absents dans notre société.
Actuellement en sélection officielle au Festival de Films de Femmes de Cotonou (FIFF), ce film court dramatique (13mn), nous raconte l’histoire de deux soeurs sexuellement agressées par leur géniteur sous le regard impuissant de leur mère.
Dès lors on se demande comment un film au dénouement tragique et sans dialogue arrive-t-il à porter un message tabou et poignant.
A l’écran, les premières images du film sont instables. Mais des rires d’enfants, indélébiles à force, captivent et asseyent l’attention du spectateur. Une magnifique musique de fond harmonisée avec flûte et percussions, nous dévoile ensuite un centre de détention pour Femme. Un endroit, sans commodité, où séjourne la jeune héroïne. Cependant, c’est dans un choix de flash-back que la réalisatrice nous plongera dans les faits ayant conduit à sa condamnation.
La famille est à la maison. Dehors, il ne fait pas beau, le temps est lourd mais le visage de la jeune fille l’est encore plus en émotions lorsqu’il croise celui de son père ajustant son pantalon à la taille. Il venait de violer sa petite soeur, cadette de la famille, que sa mère ne pouvait que consoler. Mais lorsque vient
son tour, ā l’aide d’un couteau dissimulé sous son pagne, elle passera de victime de viol à coupable de

parricide.
Elle célèbrera sa liberté sous la pluie qui semble être un signe du ciel. Elle le reçoit sur son corps les bras tendus comme pour se purifier de l’odeur répugnante, des caresses dégoûtantes et du sang piquant de son bourreau. Cette scène est d’autant plus magique quand dans un gros plan, se dessine un magnifique sourire sur le visage de sa petite soeur. On ne peut qu’y lire l’espoir et le ressentir avec elle. On marchera alors avec notre héroïne sous cette pluie en dehors de la maison, dans la rue, puis elle nous surprendra à danser son drame et son soulagement jusqu’à ce que la police lui passe les menottes. On devinera sans l’ombre d’un doute que l’actrice, de son vrai nom Habibata I. MAÏGA est une danseuse professionnelle.
En gros, vous l’aurez compris, à travers ce chef-d’oeuvre, Hawa Aliou N’DIAYE donne le micro aux victimes de viol qui, bien souvent sont agressées sexuellement sous silence dans leur environnement immédiat, dans leur famille ou dans leur quartier. La trame de l’histoire accroche et est bien vendue dans sa réalisation autant par les interprètes que par les techniciens. Pas étonnant donc qu’elle ait remporté après sa sortie en 2019 à Clap ivoire, les Grand prix Ebouclé, Prix de la meilleure interprétation féminine décerné à l’actrice principale, Prix du meilleur photographe revenu à Bassekou TANGARA. En définitive, on gardera de cette édifiante sensibilisation, de belles images, un bon choix de musique et un montage aussi cohérent que constructif.
Gaël T. HOUNKPATIN
Janvier 2022
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un atelier de formation sur la critique de cinéma, à l’occasion du Festival de films de Femmes de Cotonou, deuxième édition (8-12 février 2022)

Gael Hounkpatin, auteur de cette critique et participant à l’atelier d’écriture du cinéma

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